Le débat : Comprendre l’éducation positive

Quand on commence à s’intéresser à l’éducation des chiens, on constate rapidement que tout le monde n’est pas d’accord sur les méthodes à utiliser. Loin de faire l’unanimité, l’éducation dite “positive” est victime de beaucoup de méconnaissances et de jugements infondés : éducation laxiste, réservée aux chiens “gentils”, dans un monde de bisounours, etc.

Voici un dossier complet pour bien comprendre l’éducation positive, sa définition, son histoire, ses fondements et ses intérêts.

Puisque nous sommes dans le cadre d’un débat de société, il me paraît indispensable d’appuyer mes arguments sur des sources fiables et pertinentes. Vous trouverez donc une bibliographie complète à la fin de l’article. 

Définir l’éducation positive

Officiellement, il n’existe aucune définition exacte du terme “éducation positive”. Intéressons-nous en premier lieu à la définition du mot “éducation”. 

Selon le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), l’éducation est l’Art d’élever ou de dresser des animaux domestiques. Puisque cela nous donne peu d’information éclairante, penchons-nous sur la définition de dresser, son synonyme : Fait d’habituer un animal à certains comportements1.

Finalement, on entend éduquer son chien en lui inculquant certains comportements désirables, communément faire ses besoins à l’extérieur, être calme dans la maison, ne pas manger la nourriture autre que celle qui lui est distribuée, marcher calmement lorsqu’il est attaché, revenir quand on l’appelle, etc. Jusque-là, je pense que nous sommes d’accord.

Mais en faisant mes recherches, je me suis souvent confronté à l’éducation pour les enfants. Voici comment le CNRTL la définit : Art de former une personne, spécialement un enfant ou un adolescent, en développant ses qualités physiques, intellectuelles et morales, de façon à lui permettre d’affronter sa vie personnelle et sociale avec une personnalité suffisamment épanouie. 

Je pense que nous tenons là un élément intéressant : alors que l’éducation des animaux se concentre sur ses comportements et la satisfaction de l’éducateur, l’éducation des enfants a un objectif d’autonomisation et d’épanouissement de l’éduqué. Pour caricaturer, éduquer un animal est une action égoïste, alors qu’éduquer un enfant est une action altruiste. C’est ce constat triste et injuste qui nous pousse à changer notre regard sur nos chiens, à l’heure où leur place dans la famille est plus celle d’un membre à part entière que celle d’un animal domestique. 

L’éducation positive est donc, plus qu’une façon d’éduquer, une philosophie de vie, qui replace les besoins et le bien-être du chien éduqué au centre de la problématique. 

Maintenant, pourquoi l’appeler l’éducation “positive” ? 

A l’origine, le terme positif fait référence au renforcement positif, qui est une méthode d’éducation qui consiste à renforcer un comportement en le récompensant. Mais en réalité, l’éducation positive regroupe une multitude de méthodes2

Les plus connues sont celles du conditionnement opérant : R+, R-, P+, P-. 

Seuls le R+ et le P- sont utilisés en éducation positive, avec un maximum de R+ et un minimum de P-. La raison ? Seule la méthode du renforcement positif a des effets secondaires bénéfiques comme la prise de confiance en soi par l’animal ou la consolidation de la relation homme-chien3. Le R- et le P+ ont les effets délétères inverses4.

On bannit également tout ce qui est synonyme de peur ou de stress, comme le principe d’immersion, les outils coercitifs, et toutes les méthodes d’éducation qui se basent sur la théorie de la dominance, clamant qu’il est nécessaire de dominer son chien pour se faire respecter. Cette idée est erronée et maintenant mise de côté5.

En éducation positive, on trouve notamment les méthodes de conditionnement classique (le principe d’association d’idées), d’habituation, de désensibilisation, ainsi que de nombreux concepts tels que la zone de confort, la porte de sortie, la règle des 3D ou encore le seuil émotionnel. Toutes ces méthodes ont en commun le respect du chien dans son intégrité physique et psychique. Elles se suffisent à elles-mêmes, à condition qu’elles soient maîtrisées en théorie et en pratique.

La plupart du temps, les propriétaires de chiens et certains professionnels n’ont pas les connaissances et les compétences nécessaires à la bonne application des méthodes positives. On se retrouve alors rapidement dans ce qu’on appelle l’éducation “tradi-bonbon“. Elle consiste à compiler grossièrement l’ensemble des méthodes connues, qu’elles soient positives ou non. Elle peut laisser place à des erreurs et des incohérences nuisibles pour l’animal.

Pour résumer, l’éducation positive est un ensemble de méthodes se basant sur les théories de l’apprentissage et l’éthologie canine moderne, ayant pour objectif l’intégration du chien dans son environnement, tout en respectant ses besoins et son bien-être. 

L’histoire de l’éducation positive

Il n’y a pas si longtemps, le chien était uniquement destiné au travail, pour la chasse, la garde ou le transport. En France, c’est au milieu du 18ème siècle, dans la sphère aristocratique, qu’il commence à devenir un animal destiné à la compagnie, avant de conquérir définitivement nos foyers après la Seconde Guerre Mondiale6. Le dressage était alors principalement basé sur la coercition et la soumission. 

Les méthodes d’éducation ont évolué au rythme des découvertes scientifiques. En effet, les animaux, chiens compris, ont longtemps été considérés comme des êtres mécaniques, incapables d’apprendre ou d’avoir des émotions. Le tournant historique à l’origine des méthodes modernes se réalise par la découverte du conditionnement opérant par B.F. Skinner, en 19387. Grâce à ses travaux sur les rats, il a démontré que les animaux sont capables de comprendre et retenir les conséquences de leurs actions, et d’utiliser leurs expériences pour prendre des décisions. 

Grâce à ces nouvelles connaissances, d’autres méthodes de dressage sont apparues. La plus connue est celle de l’entrainement clicker, développé en 1970 par Karen Pryor, dresseuse de dauphins8. En utilisant le conditionnement opérant théorisé par Skinner, le clicker permet d’apprendre à un animal n’importe quel comportement, avec sa coopération. 

image du site clickertraining.com

Dans une ère où le métier de soigneur animalier était particulièrement risqué, la technique a rapidement conquis les parcs zoologiques. Les soins imposés par la force ou les sédatifs ont donc été remplacés par des méthodes coopératives, diminuant radicalement les risques pour l’animal comme pour les soigneurs9. Si les méthodes positives fonctionnent sur des ours et des lions, pourquoi ne fonctionnerait-elle pas également sur nos animaux domestiques ?

Ces nouvelles méthodes ont été popularisées pour les chiens grâce à des personnes comme Ian Dunbar, vétérinaire comportementaliste américain mondialement reconnu. A l’aide de ses nombreux livres, conférences et formations, Ian Dunbar a contribué à démocratiser l’éducation canine en la rendant plus accessible et plus respectueuse de l’animal10.

En France, l’utilisation de l’éducation positive est plus récente. Dans les années 2000, Catherine Collignon, pionnière sur ce sujet, démocratise l’entraînement au clicker et fonde le MFEC (Mouvement professionnel Francophone des Educateurs de Chiens de compagnie), avec le soutien de Ian Dunbar11

Aujourd’hui, de plus en plus de personnes utilisent l’éducation positive pour leur chien. Les mœurs et les lois évoluent en faveur d’un plus grand respect de l’animal, sensibilisant et responsabilisant peu à peu les propriétaires.

Brisons les idées reçues !

Bien que l’efficacité et les bienfaits des méthodes positives soient aujourd’hui prouvés, de nombreux mythes les décrédibilisent encore, ralentissant sa progression dans les foyers. Expliquons-les ensemble.

  • L’éducation positive ne consiste pas à distribuer bêtement des friandises !

La nourriture est un renforçateur primaire, c’est-à-dire qu’elle est naturellement une récompense pour le chien. C’est donc un moyen efficace de renforcer un comportement. Mais pour l’utiliser correctement, encore faut-il savoir exactement quel comportement renforcer, quand et dans quel contexte ! Plus généralement, modifier un comportement de manière efficace et durable nécessite des connaissances scientifiques et techniques12

La friandise n’étant pas appréciée de la même manière par tous les chiens, il est également nécessaire de se questionner sur les différentes récompenses, l’objectif étant toujours de privilégier la motivation naturelle du chien. L’utilisation de récompenses ne garantit pas un résultat, et elle ne garantit pas non plus le bien-être du chien ! Ces notions sont différentes et sont tout autant prises en compte en éducation positive. 

  • L’éducation positive n’est pas une éducation laxiste ou permissive !

L’éducation positive pose bien évidemment des “limites”. Si on n’attend pas du chien qu’il respecte des règles, rien ne sert de l’éduquer… Les méthodes positives ne sont pas tellement différentes des méthodes traditionnelles par les résultats attendus, mais plutôt par les moyens de les atteindre. Une nuance tout de même, il ne sera pas demandé au chien de produire un comportement qui lui est nuisible physiquement ou psychologiquement, même si c’est ce qui convient à l’homme. On cherchera alors des solutions d’aménagement de l’environnement.

Les mauvais comportements ne sont pas ignorés. Il ne suffit pas non plus de distraire le chien de la source du problème. Si ces deux points sont parfois mis en place, c’est parce qu’ils ont, dans certains contextes, une réelle utilité à court ou long terme. Les méthodes positives sont suffisamment étayées pour éliminer les comportements gênants sans utiliser de méthodes punitives ou aversives.

Il est imprécis d’affirmer que l’éducation positive ne comprend pas de punition. Elle inclut en effet l’utilisation de “punition négative”, c’est-à-dire le fait de retirer quelque chose d’agréable pour le chien s’il ne produit pas le comportement attendu. Mais l’objectif est avant tout d’obtenir ses attentes en exploitant au maximum les comportements naturels du chien, ce qui demande des connaissances en éthologie et en psychologie canine. 

  • La punition n’est JAMAIS la seule solution !

On parle dans cette partie de “punition positive”, c’est-à-dire le fait d’ajouter quelque chose de désagréable pour le chien pour éliminer un comportement gênant. Les “quelques choses” de désagréable peuvent aller du simple “NON”, au choc électrique, en passant par la saccade sur la laisse, la canette de cailloux à agiter, les menaces, etc. 

Oui, il est possible d’obtenir tout type de comportement uniquement avec des méthodes positives. Tout ce que vous avez envie de changer chez votre chien peut se faire sans punition. Il s’agit seulement de trouver l’approche qui vous correspond, à vous et votre chien, en s’appuyant sur les multiples outils que propose l’éducation positive. 

  • L’éducation positive convient à TOUS les chiens !

Aucun chien n’a besoin de brutalité ou de punition positive pour apprendre ! Même les chiens “dominants”, même les chiens “têtus”, même les chiens “agressifs” ! De nombreux chiens ont été rééduqués de A à Z en méthodes positives, même des cas très difficiles.

Et pour trouver tous ces chiens rééduqués en positif, il ne faut pas aller bien loin. Pour en avoir un aperçu, vous pouvez vous intéresser à l’association In Dog We Trust, qui récupère des chiens dangereux et les place auprès de professionnels canins en positif pour une réhabilitation complète. Sur son site internet, vous trouverez plusieurs vidéos de rééducation. Et non, bien que souvent plus discrets, les positifs ne se cachent pas, il suffit de les chercher !

Enfin, contrairement à ce que prétendent certaines rumeurs, il n’est nulle part affirmé que l’éducation positive peut préconiser l’euthanasie. Malheureusement, il existe des cas extrêmes de chiens qui, victimes d’une pathologie grave ou détruits par la maltraitance, présentent un danger irrattrapable pour la société. Ces chiens sont rares, et si une véritable connaissance du chien et des méthodes modernes ne peuvent pas les réhabiliter, l’éducation traditionnelle y échouera également et risquera au contraire de briser totalement le mental du chien. Ces chiens sont, autant que possible, placés en sanctuaire pour vivre une vie heureuse loin de tous dangers. 

Les principes de base de l’éducation positive  

  • Renforcer les bons comportements

L’éducation positive, c’est évidemment récompenser le chien quand il fait quelque chose de bien. On peut récompenser le chien avec de la nourriture ou un jeu par exemple, mais attention, c’est le chien qui choisit sa récompense ! Si votre chien n’est pas intéressé par votre récompense, le travail sera inefficace. Puisque vous ne pouvez pas décider de ce qui motive votre chien, à vous d’essayer plusieurs possibilités afin de trouver les meilleures récompenses. 

Au maximum, on identifie ce que le chien souhaite, comme par exemple passer la porte, avoir de l’attention ou être détaché, et on se sert de cette motivation comme récompense. Utiliser la motivation naturelle du chien garantit un apprentissage efficace et durable ! 

  • Mettre le chien en condition de réussite

En éducation positive, on aménage l’environnement pour que le chien soit au maximum en réussite. Plus le chien échoue un exercice, plus il perd confiance en lui et en l’entraineur. Au contraire, plus on adapte la difficulté pour qu’elle soit stimulante mais atteignable, plus il sera motivé et plus il progressera vite. 

Ce principe est particulièrement crucial en rééducation lorsque l’émotionnel est en jeu. Apprendriez-vous un poème par cœur, assis sur un champ de bataille ? Non, même si vous le vouliez, c’est impossible, car votre instinct de survie ne vous le permet pas. Le chien réagit de la même façon, il ne peut pas apprendre s’il est submergé par ses émotions. Il est donc indispensable de le garder en sécurité émotionnelle et de travailler à son rythme.

  • Communiquer

Dis comme ça, cela semble évident, et pourtant, combien de chiens sont “juste” incompris ? Plusieurs études ont montré que plus un individu a de contrôle sur une situation stressante, moins il sera stressé13. Chez le chien, dont les humains contrôlent l’intégralité de la vie, le niveau de stress peut augmenter rapidement. La compréhension des signaux naturels du chien et la mise en place de signaux interspécifiques (entre chien et humain) est donc indispensable pour créer une relation équilibrée, qui laisse au chien la possibilité de s’exprimer et de décider pour lui-même. 

  • Comprendre et respecter les besoins du chien

Creuser dans les plantes, poursuivre les chats, déchirer les coussins, autant de comportements que l’on souhaiterait souvent voir disparaître. Pourtant, ce sont des comportements naturels qui ont parfois besoin de s’exprimer ! Tenter de les réprimer sans les compenser, c’est faire du chien une cocotte minute qui craquera un jour ou l’autre. Pour cette raison, si un exercice nécessite de supprimer l’expression d’un besoin naturel, l’éducation positive met un point d’honneur à le compenser par la mise en place d’une activité de substitution. 

Il arrive que les besoins d’un chien soient incompatibles avec le mode de vie de ses humains. Souvent, le chien développe alors des comportements dérangeants en lien avec ses besoins non comblés. Ses propriétaires, en difficulté, n’ont d’autres choix que de changer leurs habitudes ou de replacer leur compagnon. Avant l’adoption, il est donc nécessaire de prendre en compte les besoins de l’espèce et de la race, tout en gardant à l’esprit que chaque individu est unique et a ses propres besoins. L’éducation moderne s’attache ainsi à faire de la prévention en accompagnant les familles lors du choix de leur compagnon. 

Pourquoi utiliser l’éducation positive ?

  • Pour des raisons éthiques

D’abord parce que la brutalité n’est pas une valeur appréciable ni valorisante. Eduquer en positif, c’est s’interroger sur la manière d’être le plus éthique possible dans notre façon d’intégrer un animal dans notre foyer. 

Mais l’éthique est un ensemble de valeurs et de normes sociales qui varient selon les lieux et les époques, difficile de l’imposer à nos voisins. Si en France, la morale tend en faveur du respect et du bien-être de nos animaux de compagnie, c’est loin d’être le cas partout. Les débats doivent donc rester courtois afin de partager notre point de vue en toute bienveillance. 

  • Elle permet de construire une belle relation avec votre chien

Et la relation, c’est la base de tout ! Sans une belle relation, votre chien ne vous écoutera pas et les apprentissages seront difficiles et désagréables. Suivriez-vous un maître que vous n’aimez pas ? Oui, s’il vous menace, mais à la moindre occasion vous fuiriez. Le chien est pareil ! Il vous suivra fidèlement seulement s’il aime être avec vous et s’il a confiance en vous.

  • Elle donne à votre chien plus de confiance en lui

Une petite expérience simple permet de bien comprendre l’impact des modes d’apprentissage sur l’état d’esprit d’un individu. On place 2 personnes dans une pièce, on leur bande les yeux, puis on place une chaise dans la pièce. L’objectif est de leur faire comprendre qu’ils doivent se placer derrière la chaise. Pour cela, 2 méthodes : on utilise un clicker avec récompense (un smarties) pour l’un, et un bracelet à choc électrique pour l’autre. Rapidement, la personne récompensée va réussir l’exercice et se placer derrière la chaise, tandis que la personne punie fera de plus en plus d’erreurs, jusqu’à s’immobiliser complètement, sans essayer quoi que ce soit. Pour voir l’expérience, vous pouvez regarder cette vidéo.

Les méthodes positives ne permettent pas seulement d’éduquer son chien, elles ont aussi des effets supplémentaires bénéfiques sur le chien lui-même ! Et un chien qui a confiance en lui, c’est un chien qui est à l’aise, qui communique calmement et qui fait des choix judicieux. Que du bonus, donc !

  • Elle vous apporte aussi à vous même

Réflexion, patience et bienveillance sont autant de qualités que vous apportera l’éducation positive ! En apprenant et en pratiquant les méthodes positives, on s’instruit scientifiquement, on apprend à comprendre notre chien, les chiens en général, mais également nous-mêmes. 

Ce n’est pas pour rien qu’autant de personnes se reconvertissent en éducateur comportementaliste, la pratique de ce métier et la passion de la cynologie est une véritable redécouverte de soi et de ses valeurs. Et lorsque l’on s’entoure des bonnes personnes, c’est un plongeon dans un monde de pensées positives et de bienveillance. L’éducation positive c’est aussi une aventure humaine !

Pourquoi les méthodes traditionnelles persistent malgré l’efficacité et les bénéfices des méthodes positives ?

Bon, maintenant que vous êtes arrivé jusque-là, j’espère que vous êtes autant convaincus que moi sur les multiples intérêts des méthodes positives ! Mais dans ce cas, comment se fait-il qu’elles ne soient pas encore évidentes pour tout le monde ? 

  • Tout le monde n’a pas lu ce dossier

J’ai bien mérité de me vanter un peu, non ? 😉 Plus sérieusement, je pense que la méconnaissance est le premier frein à la généralisation de l’éducation positive. Il existe encore un nombre non négligeable de personnes qui n’a jamais entendu parler sérieusement de méthodes d’éducation moderne et qui pensent encore aujourd’hui faire les choses au mieux. Comment leur en vouloir ? C’est la raison pour laquelle la pédagogie doit être le premier réflexe face à un utilisateur de méthodes coercitives. 

Malheureusement, il y a aussi ceux qui connaissent l’existence de méthodes positives mais qui ont été mal conseillés. Pire encore, il y a ceux qui ont essayé, sans résultat. Comme nous l’avons dit, ces méthodes ne sont pas toujours simples et, utilisées approximativement, elles peuvent être inefficaces. Il est courant de faire des erreurs en tant que propriétaire mais aussi en tant que professionnel, faute d’une formation de qualité ou par manque d’expérience.

  • Le changement n’est pas évident

Les méthodes traditionnelles ont longtemps été utilisées, et de nombreuses personnes continuent de les utiliser simplement parce que c’est ce qu’elles ont toujours connu. Le changement, c’est un vrai sujet, très étudié en sociologie et en psychologie ! 

Dans une étude en psychologie publiée dans la revue “Psychological Science”, les chercheurs ont constaté que les croyances persistantes peuvent être maintenues pour des raisons émotionnelles, ou par l’effet de confirmation, c’est-à-dire la tendance à rechercher et à interpréter les informations de manière à confirmer ses croyances existantes14.

Changer, c’est accepter de sortir de sa zone de confort. L’éducation du chien n’est pas une passion pour tout le monde, certains veulent juste avoir de la compagnie, sans se prendre la tête, ce qui se conçoit parfaitement. Mais qu’en est-il lorsque l’animal montre des signes de mal-être et adopte des attitudes particulièrement déroutantes ? Pour franchir ce frein à l’utilisation des nouvelles méthodes d’éducation, il n’y a pas de secret : la pédagogie et l’accompagnement sont essentiels pour permettre à chacun d’évoluer dans un état d’esprit positif.

  • La violence peut parfois sembler… libératrice

Nous avons tous déjà vécu un excès de colère, ces émotions intenses qui dominent notre corps et notre esprit l’espace d’un instant, et qui se libèrent au prix de gestes ou de mots violents. Lorsque nous sommes en colère, notre corps libère des hormones de stress, ce qui peut entraîner une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la respiration et une montée d’énergie. Cette réaction physiologique peut donner une impression de puissance et de force, ce qui peut être satisfaisant15. Mais cette sensation est souvent de courte durée et peut rapidement être remplacée par des sentiments de honte, de culpabilité et de regret.

Ainsi, être brutal envers notre chien lorsque celui-ci adopte un comportement qui nous met en colère, c’est la réaction la plus intuitive car elle nous permet de nous sentir mieux dans l’immédiat. Malgré tout, ce n’est ni une façon saine ni une façon productive de gérer ses émotions ou de résoudre les conflits. C’est à nous d’apprendre à gérer nos émotions autrement, grâce aux techniques de respiration par exemple. 

Nous arrivons à la fin de ce dossier. Si vous avez tout lu, bravo ! Et si vous n’avez lu que certaines parties, bravo aussi ! C’est en lisant, débattant et discutant que les mentalités évoluent. Jusque là, vous n’étiez que lecteur, mais rien ne nous oblige à nous arrêter là. Je vous invite donc à laisser un commentaire, à partager cet article et à donner votre propre avis sur les réseaux sociaux en taguant @leveilcyno ! Tous les avis sont permis, tant qu’ils restent cordiaux, un débat n’est ni un abattoir ni un défouloir !

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter la bibliographie, qui m’a permis de nourrir cet article de la façon la plus exacte et précise possible. Certaines de ces lectures sont très enrichissantes, faites vous plaisir !

L’Éveil Cyno

Bibliographie : 

1CNRTL, Centre Nationale de Ressources Textuelles et Lexicales

2Pour avoir un échantillon de la boîte à outil de l’éducation positive :

Récapitulatif sur les concept intéressants en éducation canine”, Céline Ouzilou, 2016, hund.fr  

3Etudes comparatives de l’effet de différentes méthodes d’éducation :

Training methods and owner-dog interactions: Links with dog behaviour and learning ability.”, Rooney N.J. & Cowan S., 2011, Applied Animal Behaviour Science

Dog training methods: Their use, effectiveness and interaction with behaviour and welfare.”, Hiby E.F., Rooney N.J. & Bradshaw J.W., 2004, Animal welfare

The relationship between training methods and the occurrence of behavior problems, as reported by owners, in a population of domestic dogs.”, Blackwell, E. J., Twells, C. A., Seawright, A., & Casey, R. A., 2008, Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research

Compilation de résultats d’études scientifiques sur l’impact des méthodes d’éducation sur le chien :

Quelle est la meilleure méthode pour éduquer son chien selon la science ?”, Alice Mignot, 2021, Dans la tête des chiens Podcast

4Etude sur les effets secondaires des méthodes d’éducation coercitives : 

The effects of using aversive training methods in dogs – A review.”, Ziv G., 2017, Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research

The relationship between training methods and the occurrence of behavior problems, as reported by owners, in a population of domestic dogs.”, Blackwell, E. J., Twells, C. J., Seawright, A., & Casey, R. A., 2008, Journal of Veterinary Behavior: Clinical Applications and Research

5Dossier complet sur la théorie de la dominance : 

Chien dominant et hiérarchie, l’article complet à partager”, Ness, 2021, Cynotopia

6Livre sur l’histoire de la relation homme-chien :

Dog’s Best Friend, Annals of the Dog-Human Relationship, Mark Derr, 2004

7Pour en savoir plus sur le conditionnement opérant, sa découverte, son fonctionnement :

What Is Operant Conditioning And How Does It Work?”, Saul Mcleod, mis à jour en 2023, simplypsychology.org

8Résumé de la première publication de Karen Pryor sur l’entraînement des dauphins :

Training for Variable and Innovative Behavior”, Karen Pryor, 2014, International Journal of Comparative Psychology.

9Utilisation du conditionnement opérant dans les zoos :

Operant Conditioning at the Zoo, Karen Pryor, 2003, clickertraining.fr 

10Pour en savoir plus sur Ian Dunbar

11Pour en savoir plus sur Catherine Collignon

12Importance de l’appuie des méthodes d’éducation sur la science :

Why Science Matters”, Science Matters Academy of Animal Behavior

How Science is Revolutionizing the World of Dog Training”, Winston Ross, 2020, Time

13Etude sur l’impact du niveau de contrôle d’un évènement sur le stress qu’il procure :

Learned helplessness: Theory and evidence.”, Maier, S. F., & Seligman, M. E., 1976, Journal of Experimental Psychology: General

14Etude sur les raisons de la persistance des fausses croyances :

Misinformation and Its Correction: Continued Influence and Successful Debiasing”, Stephan Lewandowsky, Ullrich K. H. Ecker, 2012, Association for Psychological Science

15Etude parlant des effets de la colère sur les réactions physiologiques : 

Anxiety sensitivity and retaliatory aggressive behavior in research volunteers”, Joshua J. Broman-Fulks, Michael S. McCloskey, Mitchell E. Berman, 2006, Wiley Online Library, Aggressive Behavior

Le débat : les colliers anti-aboiements

Le collier anti-aboiement, solution miracle pour retrouver le silence et une bonne ambiance dans le quartier ! … … ou pas.

L’aboiement est un problème courant, souvent source de conflit. Je ne sous-estime pas la nervosité causée par ce comportement, l’ayant moi-même vécu. Cet article n’a pas pour but de juger les utilisateurs de ces colliers. Son objectif est de reprendre, de manière objective et argumentée, l’ensemble des éléments permettant une réflexion construite sur cet instrument.

Comment ça marche ?

Le collier anti-aboiement se place autour du cou du chien, il provoque une situation négative (de nature diverse selon le collier) lorsque le chien aboie. Le chien doit comprendre que ses vocalises déclenchent le moment désagréable, et donc arrêter d’aboyer. C’est le principe de la punition : le collier punit le chien pour ses aboiements.

Quels sont les différents types de colliers ?

Le collier électrique : il émet une décharge électrique lorsque le chien aboie, à une intensité réglable.

Le collier à odeur (souvent la citronnelle) : il émet un jet de citronnelle, dont l’odeur est censée être désagréable pour le chien.

Le collier sonore : il émet un son ou un ultrason (audible seulement par les chiens).

Le collier à vibration : il vibre lorsque le chien aboie, à une intensité réglable.

Il arrive que deux types de punitions soient associés, par exemple les vibrations et le choc électrique. Certains utilisent même les vibrations comme moyen d’annoncer le choc électrique, ce qui inciterait le chien à s’arrêter dès la vibration pour éviter que le choc ne se déclenche.

Ces colliers peuvent être automatiques ou à télécommande. Le premier détecte l’aboiement du chien pour punir chaque fois que le chien aboie, le second nécessite que l’humain provoque la punition manuellement.

Une solution miracle ?

Avant de parler d’éthique, intéressons-nous quand même à l’efficacité de la méthode. Est-ce que ça marche ? Parfois oui, parfois non.

On ne peut passer à côté des nombreux satisfaits de ce produit, qui déclarent que ce collier a résolu instantanément les vocalises de leur chien. C’est sûrement vrai pour beaucoup d’entre eux.

Mais ne négligeons pas non plus les nombreux ratés ! De nombreux chiens s’acclimatent sans problèmes du jet de citronnelle, des vibrations ou du son, comme le témoignent ces commentaires lisibles sur internet* :

« Bruyant, sonnerie pendant la nuit, réveille le propriétaire, ça sonne et ça n’empêche pas le chien d’aboyer, produit inutile… »

« Super nul, ça ne fonctionne pas du tout ! Ni le son ni la vibration ne l’ont empêché d’aboyer ! Objet inutile ! »

« Ça n’a pas marché un petit peu. Mon chien l’a complètement ignoré. »

Si ces colliers semblent tout de même être efficace dans certains cas, est-ce une raison suffisante pour les utiliser ? Intéressons-nous maintenant aux « effets secondaires » du collier anti-aboiement.

Ces colliers peuvent-ils représenter un danger ?

Les dégâts physiques :

Oui, le collier électrique peut blesser le chien. Les décharges répétées, même à faible intensité, peuvent gravement brûler sa peau. Les chocs électriques peuvent être très dangereux pour les chiens de petites tailles (c’est d’ailleurs explicité sur les sites de vente). Pour se rendre compte de la douleur que peut engendrer ce type d’instrument, il suffit de l’essayer autour de notre bras : à faible intensité, on ressent des picotements, mais très rapidement la douleur est insupportable. Le chien, lui, l’a autour du cou !

Témoignages pour des colliers électriques* :

« Mon chien s’est retrouvé brûlé au bout du 3 ème jour, le collier était pourtant réglé au minimum et de plus le collier ne fonctionne plus. C’est un danger. Très mauvaise expérience »

« Danger ce collier pour une petite chienne de7kg qui c’est retourné d’un coup après l’activation de la manette à hurlé et fait un arrêt cardiaque ou j’ai du la réanimer moi même j’ai cru que je perder ma petite chienne danger je trouve que ce produit doit êtres enlever du commerce et je demande remboursement »

Les colliers à vibrations, à son et à jet de citronnelle ne sont pas dangereux pour la santé physique du chien (bien que la citronnelle serait toxique ou irritante selon certains dires).

Les dégâts psychologiques :

Le premier risque de l’utilisation de ces colliers est de causer un grave traumatisme au chien. Le collier électrique évidemment, mais aussi les autres, peuvent surprendre le chien et marquer profondément sa sensibilité. Même si votre chien n’est pas particulièrement sensible, il est placé contre son gré dans un état de mal-être qui est en contradiction totale avec les principes d’éducation positive et de bien-être animal.

Dans certains cas, les aboiements sont l’expression d’un mal-être déjà existant. Punir l’aboiement revient donc à punir le mal-être, ce qui accentue la détresse du chien et peut aggraver la situation.

Mais le risque majeur, et très grave, survient lorsque le chien ne comprend pas pourquoi il subit le moment désagréable. Le fait d’associer la punition à l’aboiement est loin d’être systématique ! Le collier est programmé pour se déclencher en cas d’aboiement, il ne prend donc pas en compte l’environnement du chien au moment où il se met en route. Le chien, lui, est soumis à une multitude de stimuli en même temps. Rien ne dit qu’il comprendra que, parmi tous ces stimuli, ce sont ses aboiements qui ont déclenché la punition.

Ainsi, le chien peut par exemple associer la punition à : la présence du collier, au fait d’être dans le jardin (si le chien aboie dans le jardin), d’être seul (s’il aboie lors de vos absences), au passage d’un humain extérieur (s’il aboie pour monter la garde) ou même à la présence de son propre humain (si l’utilisateur du collier crie ou punit par la voix en même temps que le chien se prend le choc). Ce phénomène peut créer et/ou empirer des problèmes de comportement (anxiété de séparation, craintes, réactivité etc).

Et évidemment, en cas de dysfonctionnement du collier, l’incompréhension est inévitable : si le collier ne se déclenche pas systématiquement, si le laps de temps entre l’aboiement et la punition est trop grand ou si la sensibilité du collier est trop importante, les conséquences peuvent être rapides, permanentes et désastreuses.

Cette incompréhension rend la punition aléatoire aux yeux du chien. C’est grave. Le chien se sent complétement impuissant : il subit une situation désagréable, stressante, voire douloureuse, le tout sans savoir pourquoi ni comment l’arrêter. Le niveau de stress causé par une telle situation peut mener le chien à la folie. Il peut entrer dans une détresse extrême et avoir des réactions très agressives de manière totalement imprévisible. Les dégâts causés alors peuvent être très difficiles à réparer.

Témoignages* :

« J‘ai acheter ce outil, il ne fonctionne pas comme voulu , le chien se prend une décharge même quand il n’aboie pas. »

« Appareil complétement stupide qui se déclenche même si le chien bouge un peu trop sans aboyer. Du coup inhibe complétement le chien, qui n’ose plus bouger ! »

« Après quelques jours d’utilisation, ayant bien respecté les conseils d’utilisations du constructeurs, le collier se déclenche quand ma chienne se secoue la tête même quand la sensibilité est au minimum. Ma chienne est désormais apeurée et ne comprend plus rien. Peur de sa corbeille et j’en passe parce que le collier se déclenche même si elle aboie pas. Elle s’est blessée en prenant peur. C’est sur qu’elle aboie plus même bon maintenant elle est tout le temps anxieuse parce que le collier se déclenche sans raison. C’est un cane corso de 45kg. C’est une chienne qui était sure d’elle alors que maintenant elle est peureuse au moindre bip. »

Que dit la loi ?

L’article 7 de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie dit :

« Article 7 – Dressage

Aucun animal de compagnie ne doit être dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien-être, notamment en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelles ou en utilisant des moyens artificiels qui provoquent des blessures ou d’inutiles douleurs, souffrances ou angoisses. »

Il me parait évident que cet article interdit toutes formes de punitions pour le chien puisqu’elles sont au moins source d’angoisse. Cet article est bien trop imprécis pour avoir une influence, et comme la plupart des lois sur les animaux, même si elles existent, elles ne sont souvent pas appliquées jusqu’à la sanction.

Le collier électrique est interdit à la vente dans plusieurs pays européen. En France, une proposition de loi interdisant ces colliers (ainsi que les étrangleurs et les torcatus) a été voté par l’Assemblée Nationale en janvier 2023. Son application devrait avoir lieu prochainement.

Ma conclusion

Après vous avoir expliqué tout cela, je peux vous dire explicitement que je suis contre l’utilisation des colliers anti-aboiement, quel que soit leur type et la raison de leur utilisation. Je suis absolument convaincu que cet usage provoque un mal-être chez le chien et entrave la compréhension de l’humain vis-à-vis de son animal. Il est tout à fait possible de faire autrement, et il est de notre responsabilité d’aller plus loin que l’utilisation de ces objets de facilité (qui n’en sont même pas forcément !).

Finalement, comment empêche-t-on notre chien d’aboyer ?

Pour répondre à cette question, je vous invite à lire cet article !

Maintenant, si vous décidez d’essayer l’un de ces colliers, c’est en connaissance de cause. Vous n’aurez pas mon soutient, surtout pour le collier électrique. Je vous demande au moins de vous assurer que c’est utile (ça résout le problème), que c’est cohérent pour le chien (une bonne association punition-aboiements) et que votre chien n’est pas impacté profondément dans son bien-être (pas de dégâts physiques, pas de traumatisme psychologique). Si vous constatez la moindre dégradation de son comportement, arrêtez immédiatement l’utilisation du collier.

*Je ne cite pas mes sources volontairement pour ne pas viser un produit en particulier et pour préserver l’anonymat des personnes qui ont commenté. Néanmoins, vous retrouvez sans problème ce genre d’avis sur plusieurs sites de vente en ligne.

Pour en savoir plus :

Conseils d’éducation : réguler les aboiements

Rapport scientifique rédigé à la demande du Conseil du bien-être des animaux en 2010 sur les Aspects de bien-être liés à l’utilisation de colliers électriques pour chiens.

Article sur le collier électrique qui cite des articles scientifiques consultables.

Le débat : la cage

La cage, connue aussi sous la forme du parc à chien, permet d’enfermer le chien dans un espace limité et contrôlé. Elle fait l’objet de nombreux débats en ce qui concerne l’éducation du chien. Faisons le point.

Pour commencer, voyons la méthode pour apprendre la cage à son chien : il faut créer une association positive en faisant vivre au chien des bons moments dans sa cage. Voici les grandes lignes :

Ce qu’il faut faire :

– Lui donner à manger dans sa cage

– Lui donner des friandises au moment de l’y mettre

– Lui laisser des jouets

– Le récompenser lorsqu’il va dans sa cage de lui-même

– Lui apprendre petit à petit à y rester porte fermée

Ce qu’il ne faut pas faire :

– Ne pas utiliser la cage comme lieu de punition

– Ne pas déranger le chien lorsqu’il est dans sa cage (lorsqu’il mange ou qu’il dort)

– Ne pas le forcer à y rester s’il montre des signes de mal-être ou d’angoisse

Plutôt simple, n’est-ce pas ? Mais à quoi cela peut-il servir ? Voici ce qui se dit :

« La cage permet d’apprendre la propreté plus vite. » : selon certains, le chien n’aimerait pas faire ses besoins sur son lieu de couchage. Le fait de faire dormir le chiot dans sa cage lui permettrait donc d’apprendre à se retenir plus vite.

De mon point de vue, je connais suffisamment de chiots qui adorent faire pipi sur leur coussin pour considérer que ce n’est pas si évident. Si effectivement le chien ne fait pas ses besoins sur son lieu de couchage, encore faut-il qu’il considère la cage comme tel ! En plus, les cages sont souvent prises assez grandes pour anticiper la taille du chien adulte, donc le chiot a largement la place pour faire ses besoins d’un côté et dormir de l’autre…

Mais surtout, même si c’était vrai, n’oubliez pas que le chiot est physiologiquement incapable de se retenir tout une nuit ! Si vous choisissez de le mettre en cage pour cette raison, assurez-vous de le sortir régulièrement y compris la nuit. Se retenir aussi longtemps est une source de grand inconfort pour le chiot, ce qui l’empêche de dormir profondément.

« La cage évite la destruction la nuit et pendant les absences. » : un chien enfermé dans une cage ne peut évidemment pas manger les pieds du canapé, élémentaire mon cher Watson… Est-ce une raison de l’utiliser pour autant ? Si vous avez lu mon article sur les bêtises, vous savez que le meilleur moyen d’apprendre à un chiot à ne pas faire de bêtises, c’est qu’il n’ait jamais la possibilité d’en faire. En cela, la cage est effectivement un moyen sûr d’empêcher tout débordement lorsque vous n’êtes pas disponible pour le surveiller. Mais la frontière entre élément d’éducation et solution de facilité est fine.

« La cage est un lieu sécurisant pour le chien. » : Ça dépend des chiens, et de la manière dont on l’utilise. Si la cage est synonyme de tranquillité pour le chien, c’est-à-dire que personne ne vient le déranger quand il s’y trouve, alors certains vont grandement apprécier ce petit coin au calme. Mais ils vont vite se sentir exclus s’ils sont contraints d’y rester. Le mieux, c’est de laisser le choix à votre chien en ne fermant jamais la porte (ou exceptionnellement). Il y a alors de grandes chances pour qu’il y aille de son plein gré dès qu’il ressentira le besoin de s’isoler.

« Le chien peut apprendre à aimer la cage. » : beaucoup disent qu’il suffit de créer chez le chien une association positive, en donnant sa nourriture dans sa cage et en y laissant des jouets. Cela suffit-il vraiment à ce que votre chien saute de joie quand vous l’y enfermez ?

Mettez-vous à sa place : je place votre lit dans une chambre sous l’escalier (à la Harry Potter, on parle d’une cage d’1m2 pas d’un palace). Vous pouvez tout de même y vivre de bons moments, et aimer cette pièce où vous trouvez votre refuge. Et puis un jour, je ferme la porte et je reviens 6h plus tard. Je précise que vous n’avez que 2 peluches, mais ni téléphone ni livres. Alors, pensez-vous qu’aimer votre chambre revient au même qu’aimer y être enfermé ?

Non, les jouets ne suffisent pas : l’activité principale du chien est la recherche d’odeur et l’exploration, alors quoi de plus fade qu’un même mètre carré pendant plusieurs heures ? Et les friandises ? Si tout de fois vous trouvez une friandise qui résiste à la mastication assez longtemps, imaginez-vous mâcher le même chewing-gum pendant trois heures et vous comprendrez.

Bien sûr, l’association positive existe et elle est indispensable, mais elle ne fera pas aimer à votre chien le fait d’être enfermé. C’est avant tout un moyen pour vous faire déculpabiliser, car, soyons honnête, la cage pour éduquer un chiot reste avant tout pratique pour l’humain, pas pour le chien.

Alors, je suis contre la cage ? Bien sûr que non !

La cage est parfois très utile. Elle est un moyen de mettre le chien et son entourage en sécurité lors d’un déplacement ou en cas de remue-ménage dans la maison (déménagement, travaux, fêtes). Elle peut être un moyen de séparer deux chiens lors du repas pour éviter les disputes. Et elle est parfois indispensable, en cas de convalescence après une grosse opération par exemple.

Pour ces raisons, si la cage n’est pas indispensable pour éduquer son chiot, son apprentissage est essentiel. Le but n’est pas que le chien aime être enfermé (ce qui je pense est presque impossible) mais au moins qu’il l’accepte. La cage peut devenir une normalité, surtout si elle est introduite tôt dans la vie du chien.

Si après tout cela vous décidez quand même d’utiliser la cage comme moyen d’éducation, êtes-vous d’affreux et cruels personnages ?

Si l’apprentissage de la cage est bien mené (comme expliqué au tout début), nous avons vu que votre chien n’aimera pas être enfermé, mais qu’il peut l’accepter. Après tout, est-ce que toute la vie du chien n’est pas une histoire d’acceptation ? Prenons l’accessoire le plus utilisé du monde canin : la laisse. Pensez-vous que le chien aime être attaché à 1m de vous ? Non, mais il fait avec. Et pourtant on ne met pas au bucher les utilisateurs de laisses !

Selon moi, la principale utilité d’enfermer son chiot dans la cage en cas d’absence est d’être sûr qu’il ne puisse pas apprendre à faire de bêtises. Pour que cela respecte quand même le bien-être de votre chien, il faut respecter 3 règles :

– La taille : prenez la cage la plus grande possible. Il faut au minimum que votre chien puisse s’y tenir debout et allongé de tout son long, et faire demi-tour sans aucune difficulté.

– Le temps : ne l’y enfermez pas trop longtemps. Lorsqu’il est chiot, ne dépassez pas sa capacité à se retenir de faire ses besoins. Chez le chien adulte, s’il reste sage en votre absence, laissez-lui la cage ouverte. L’enfermer dans la cage doit rester exceptionnel.

– Le divertissement : laissez à votre chien de quoi mastiquer longuement et quelques friandises dans un tapis de fouille par exemple. Vous pouvez aussi étaler du kiri sur les barreaux.

Pour conclure ce débat, le chien peut accepter la cage comme il accepte de rester seul ou en laisse. Mais lorsqu’on choisit de s’en servir, il faut savoir pourquoi on l’utilise, le faire correctement, et surtout ne pas en abuser.

Pour plus d’informations :

Capsule d’éducation : éviter les bêtises

Capsule d’éducation : lui apprendre à rester seul

Le débat : n’y a-t-il vraiment que des mauvais maîtres ?

« Il n’y a pas de mauvais chiens, il n’y a que de mauvais maîtres. »

Allons droit au but : cette phrase est fausse.

Bon, je vous vois venir, la moitié est vraie : il n’y a pas de « mauvais chiens ». Les chiens sont des êtres vivants, des individus à part entière. Comme tout être vivant, leur développement est influencé par une grande diversité de facteurs : sa famille évidemment, mais aussi sa génétique, sa personnalité, ses expériences avant et après l’adoption. Alors oui, il arrive qu’un chien ne corresponde pas aux critères du « bon chien », docile, obéissant et affectueux, mais ce n’est pas forcément la faute du maître, loin de là.

En parlant du « bon chien » : chaque chien est unique, avec son caractère et son histoire, alors rien ne sert de chercher à tout prix la « bonne recette ». Chacun aura ses propres attentes vis-à-vis de son chien. Si certains refusent que leur chien aboie, d’autres préfèrent qu’il monte la garde ; alors que la plupart cherchent à empêcher ses sauts sur les gens, certains aiment jouer au corps à corps avec lui ; quand quelques-uns aiment son côté indépendant, les autres ne s’imaginent pas sans leur « pot de glu » ! Rien ne sert de reprocher à votre voisin que son chien n’aime pas les chats si le voisin lui-même pousse son chien à les chasser.

En écoutant les gens parler de leurs chiens, on constate assez vite une forme d’ego mis en jeu. Les réussites de notre chien deviennent nos réussites, peut-être car l’on considère qu’elles sont dues à notre super éducation. Et pourtant, vous avez un gentil chien ? Vous y êtes sans doute pour quelque chose, mais vous avez surtout de la chance ! Car je vous assure que personne n’est capable d’éduquer ou de gérer tous les chiens du monde. Et s’il parait évident qu’un ancien maltraité de la SPA ne sera pas toujours un chien facile, il est aussi vrai que l’évolution d’un chiot équilibré adopté bébé ne dépend pas que de l’éducation dispensée par sa famille !

Mais en réalité, le pire dans cette phrase, c’est qu’elle est extrêmement culpabilisante. Imaginez-vous, un chien excité ou agressif au bout de la laisse, les regards lourds sur vous dans la rue. Vous rentrez chez vous, votre famille vous dit « tu es trop gentil avec lui », votre éducateur vous explique « c’est parce que vous êtes trop stressé », et au loin dans les murmures vous entendez sans arrêt « s’il faisait ci, s’il faisait ça ». Cette situation, de nombreuses personnes la subissent au quotidien, et si malheureusement certains devraient vraiment remettre en cause leur façon de se comporter avec leur chien, beaucoup font de leur mieux, et certains sont juste mal informés. Accuser toujours l’humain, c’est fermer les yeux sur des dizaines d’autres causes possibles. Et surtout, c’est faire un ennemi d’un potentiel allié.

Le meilleur moyen d’aider, ce n’est pas de reprocher, mais de soutenir. Alors s’il vous vient l’envie de dire « ton chien est trop excité », dites plutôt « Il est plein de vie ton chien, ça se passe bien avec lui ? » ; s’il vous vient l’envie de dire « il est méchant ton chien », dites plutôt « il n’a pas l’air à l’aise, ce n’est pas trop dur à gérer ? ». Vous remarquerez bien vite que cette approche est beaucoup plus efficace. La gentillesse et l’écoute délient la parole, et une discussion bienveillante permet souvent de mieux comprendre, pour mieux aider. Mais ne forcez jamais la parole, ni la vôtre (vous avez le droit de ne pas avoir envie de discuter) ni celle de l’autre (lui aussi !).

Pour conclure cette réflexion, rappelons-nous que les chiens sont des êtres incroyables, capables d’aimer sans compter, et surtout sans jamais juger. Alors soyons un peu comme eux : ne jugeons pas, soutenons-nous et profitons sans aucune attente de nos compagnons !